Le point de vue de KoenigQuelques jours après la sortie, Koenig entreprit de réfléchir sérieusement au comportement de Rommel.
Pendant le siège, il avait été choqué par la discourtoisie de son adversaire qui s'était adressé directement aux troupes de Bir Hakeim, et non à leur chef, pour leur demander de se rendre. Il avait mis ce procédé, si peu compatible avec "la guerre des seigneurs" que prônait l'allemand, sur le compte de l'énervement entraîné par la résistance inattendue de la garnison Française.
Au fil des jours cet énervement s'était mué en une véritable hargne. A partir du 8 juin, Rommel avait compris que les Français lui avaient fait perdre du temps; un temps précieux.
Si nous avions cédé plus tôt, écrit Koening, Rommel serait sorti des combats de Bir Hakeim en meilleur état et aurait été en mesure d'infliger au reste de la 8ème armée une défaite plus rapide et plus complète. L'affaire eût pris un tour catastrophique.
Après l'échec du premier assaut Italien, Rommel avait entrepris de réduire la garnison française par l'encerclement, comptant essentiellement sur l'artillerie et les attaques renouvelées pour contraindre les français à se rendre.
Cette deuxième tactique ayant échouée, Rommel s'obstina à vouloir obtenir cette reddition coûte que coûte, alors qu'il lui suffisait de maintenir un siège avec un minimum de troupes pour obtenir ce résultat un peu plus tard, ce qui lui permettait de reprendre une offensive d'envergure contre les forces britanniques. Au lieu de çà, la 8ème armée eut tout le temps de se replier en bon ordre sur El Alamein. L'année précédente, n'avait-il pas laissé ainsi Tobrouk tenue par les anglais sous une surveillance allégée, tandis qu'il poursuivait sa marche vers l'Egypte?
Citant le correspondant de guerre Lutz KOCH, proche de Rommel, Koenig est persuadé qu'à un moment donné, Rommel se vit conseiller de ne pas s'attarder devant Bir Hakeim d'autant que l'homme professait qu'un des principes de la guerre du désert consistait à changer le point d'application de la bataille dès qu'elle paraissait s'ancrer au sol. Il avait là l'occasion d'appliquer un de ses principes et il l'oublia.
Pour qu'une telle évidence lui échappât, pour qu'il commît une telle erreur, il était peut-être aiguillonné par d'autres pensées, estime Koenig. L'une d'elles pouvait être la liquidation de la principale force armée Gaulliste pour servir la propagande vichyste, inquiète des progrès de la résistance intérieure en France occupée.
Mais Koenig préférait une autre explication, plus flatteuse pour la brigade française libre : "peut-être convient-il d'admettre plus simplement que la vigueur de notre défense jusqu'au 9 juin lui donna l'impression qu'il avait affaire à une force redoutable, si redoutable qu'il ne pouvait la laisser derrière lui comme une flèche dans le talon d'Achille. Cette force constituait un danger grave".
Cette hypothèse n'est cependant pas très convaincante.
Il est en effet impossible de douter qu'aux yeux de Rommel et de Kesselring la seule force redoutable, c'est à dire capable de s'opposer frontalement à l'Afrika Korps, était la 8ème armée Britannique.
Dans tous les cas, la résistance de la brigade Française à Bir Hakeim fût un exploit, un fait d'armes unanimement salué à la fois dans le camp allié ainsi que dans le camp adverse.
Dragoon